Extrait de l’article de Léa Poiré dans la revue Mouvement à propos de MamiSargassa 1.0 de Annabel Gueredrat à DañsFabrik – Festival de Brest, février 2022.
« L’océan Atlantique n’est pas le même si on le regarde depuis Brest ou depuis les Caraïbes. Dans la semi-obscurité du sous-sol du Cabaret Vauban, institution musicale iconique de la ville portuaire bretonne, Annabel Guérédrat s’avance, en combinaison de vinyle noir façon BDSM, manteau en fausse fourrure léopard sur le dos et bottes argentées aux pieds. La chorégraphe martiniquaise alerte, par le biais d’une performance futuriste, sur la toxicité réelle et actuelle des rivages de son île. Son Mamisargassa 1.0 nous situe en 2083. La Martinique a alors été désertée par les humains car rendue complètement inhospitalière à cause des sargasses : ces algues flottantes brunes gorgées d’arsenic et autres métaux lourds, dont la prolifération sur les plages caribéennes est accentuée par les dérèglements climatiques. Entourée de micros qui modifient sa voix en lui ajoutant de l’écho, Annabel Guérédrat conte cette histoire en créole, en anglais, en espagnol ou en français, comme pour être sûre d’être bien entendue. Mais ses paroles déraillent. Elle gronde. Plongeant toujours un petit peu plus dans la fiction, elle devient Mami Sargassa, une entité modifiée génétiquement, à la fois déesse et sorcière, qui ne craint pas les algues et enfante des êtres « mi-humains, mi-sargasses, qui préfèrent chanter et danser plutôt que parler et marcher », annonce la danseuse entre deux jeux de sourcils levés, un filet de bave coulant de sa bouche.Le festival Dañsfabrik qui accueille cette performance au long court issue de la série Ensargasse-moi, s’est fixé un horizon : réfléchir aux enjeux climatiques depuis les imaginaires artistiques, mais surtout depuis des perspectives décoloniales ».
Devant le Quartz, février 2022 © Photos Florence Ménez
Capucins © Photos Florence Ménez
Vauban, le 24 février 2022 © Photos Florence Ménez